Ces deux dernières années, les fonds obligataires datés – également appelés fonds à échéance – se sont imposés comme de véritables best-sellers dans les allocations patrimoniales. Logés aussi bien en assurance-vie, en PER que sur des comptes-titres, ils ont pleinement profité d’un environnement de taux porteur, en particulier sur les obligations d’entreprises.
La question se pose désormais sans détour : cette dynamique peut-elle durer, ou faut-il au contraire revoir sa stratégie dans un contexte économique et politique plus incertain ?
Un succès largement porté par l’environnement de taux
La collecte massive observée sur les fonds obligataires datés s’explique avant tout par leurs performances. Certains ont affiché jusqu’à +7 % en 2024, après une année 2023 parfois supérieure à +10 %, le tout avec une volatilité contenue.
Deux facteurs majeurs ont soutenu ces résultats :
- Des rendements embarqués attractifs, souvent autour de 5 % par an, sur des maturités relativement courtes (2026 à 2030). Cela offre une bonne visibilité aux investisseurs, notamment dans une logique de portage.
- La baisse progressive des taux directeurs, qui a mécaniquement soutenu la valorisation des obligations et, par conséquent, celle des fonds crédit.
Si l’année 2025 a bien démarré, le décor change progressivement. Les tensions sur les taux longs et l’accumulation d’incertitudes géopolitiques et macroéconomiques pèsent sur les valorisations, qui marquent le pas depuis plusieurs semaines. C’est donc un moment clé pour réévaluer ses positions et éviter toute fuite en avant.
Qualité de signature : un critère central
Un fonds obligataire daté investit dans des obligations d’entreprises destinées à être remboursées à une échéance donnée. La qualité de l’émetteur est donc déterminante.
- Les obligations Investment Grade offrent davantage de sécurité, avec un risque de défaut plus faible, mais un rendement embarqué plus modéré.
- Les obligations High Yield présentent un potentiel de rendement supérieur, en contrepartie d’un risque accru.
Aujourd’hui, avec le resserrement des primes de crédit (les spreads), la question mérite d’être posée : le risque supplémentaire du high yield est-il encore suffisamment rémunéré, alors que certaines émissions investment grade offrent des rendements proches ?
La réponse impose une sélectivité accrue, travail essentiel des sociétés de gestion. À ce stade, aucun signal alarmant n’apparaît sur les taux de défaut des segments high yield de meilleure qualité, mais la vigilance reste de mise. Par ailleurs, ces fonds ne sont généralement pas monolithiques : ils combinent souvent investment grade et high yield, ce qui permet une diversification interne du risque.
Sensibilité aux taux et maturité : deux leviers à surveiller
Au-delà du risque de crédit, deux autres paramètres sont essentiels.
La sensibilité aux variations de taux
En matière obligataire, la règle est simple : quand les taux montent, la valeur des obligations existantes baisse, car les nouvelles émissions deviennent plus attractives.
Les politiques monétaires accommodantes, avec des baisses de taux courts, sont généralement favorables aux marchés obligataires. Après les baisses modérées de la BCE, l’attention se porte désormais sur la politique monétaire américaine. Une baisse des taux de la Fed constituerait un signal positif pour la classe d’actifs.
La maturité moyenne des fonds
Les taux longs étant structurellement plus rémunérateurs que les taux courts, allonger la maturité permet d’aller chercher davantage de rendement, sur des horizons de 3 à 5 ans par exemple.
La pentification de la courbe des taux – des taux courts inférieurs aux taux longs – reste un moteur de performance pour les fonds obligataires datés, ce qui les rend encore compétitifs face aux placements de taux sans risque.
Comprendre l’effet “roll down”
Un autre mécanisme mérite d’être compris : l’effet roll down, ou descente le long de la courbe des taux. À mesure qu’une obligation vieillit et se rapproche de son échéance, son rendement actuariel diminue mécaniquement.
Pour capter davantage de rendement, il peut donc être pertinent d’allonger la maturité cible, à condition que cela reste cohérent avec son horizon d’investissement. Certaines stratégies de portage sur 2 à 3 ans ont, par exemple, particulièrement bien fonctionné ces dernières années.
Quelles alternatives en cas d’allègement ?
Les fonds obligataires datés offrent une bonne liquidité, tant à l’entrée qu’à la sortie. Il est donc possible d’ajuster son exposition sans contrainte excessive.
En cas de recherche de sécurité, sans basculer vers des fonds monétaires pénalisés par la baisse des taux courts, plusieurs options existent :
- des fonds obligataires court terme,
- des fonds obligataires ouverts et flexibles, capables de s’adapter aux conditions de marché,
- ou encore des fonds de performance absolue, intéressants en période d’incertitude pour limiter la volatilité.
En conclusion
Les fonds obligataires datés conservent un réel potentiel, en particulier si l’environnement de taux redevient favorable. Mais la phase actuelle impose davantage de discernement.
Sur les marchés de taux et de crédit, rien n’est automatique. Comprendre le contexte macroéconomique, surveiller les signaux de marché et diversifier les risques reste indispensable. Ce sont des principes simples, mais qu’il ne faut jamais perdre de vue en gestion de patrimoine.


